Croiser le regard d’un grand singe est une expérience singulière qui laisse rarement indifférent. Pour peu que l’on s’y attarde, une drôle de sensation vous envahit : ce regard induit plus qu’il ne veut bien le laisser paraître. Quelles pensées insondables se cachent donc derrière ces faciès étonnamment humains ?

Au fil du temps et des rencontres, une vague d’émotion vous submerge, tant l’abîme qui semblait nous séparer tend à se réduire comme peau de chagrin. Sensation de partager un instant rare. Privilégié. Car l’échange, même fugace, avec un seul de ces êtres exceptionnels, reste un privilège absolu.

Hélas, la complexité des rapports entre individus, la subtilité des échanges, l’extrême sensibilité au milieu échappent à la plupart des gens qui, par ignorance ou simple paresse, ne voient en nos proches cousins que des abstractions simiesques aux comportements hilarants ou ridicules. On les sait menacés dans leur milieu naturel. Mais les grands singes demeurent des êtres anonymes, le plus souvent noyés dans le flot de la multitude d’espèces animales présentes sur la planète.

Côtoyant et photographiant les anthropoïdes depuis plusieurs années, j’ai une tendresse particulière pour le plus impressionnant, mais aussi sans doute le plus timide et le plus sensible d’entre eux : le gorille. Ces images sont une invitation à pénétrer l’intimité de ce doux géant. Une façon simple de rendre hommage à cet ambassadeur discret d’un monde qui s’éclipse, inexorablement.

Sébastien